Lentement, une jeune femme ouvrit les yeux. Les refermant un instant à cause du sommeil persistant, elle mit un certain temps avant de voir plus clairement l’endroit dans lequel elle se trouvait. Elle ne le reconnaissait pas. Se redressant en sursaut, elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce. Petite et sombre, quelques ombres étaient projetées sur le mur par l’éclat argenté de la lune. La pièce était des plus simples, une sorte de grande armoire un peu comme celles des grands mères, un petit bureau, un tapis sur le sol juste devant le lit, lit sur lequel elle était assise. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir vu un tel endroit et encore moins d’y avoir passé la nuit. Où était elle donc tombée encore ? Se levant doucement, elle se crispa soudain entendant le parquet craquer. Rien de tel pour éveiller toute une maison. Tout lui paraissait étrangement calme. Trop calme en fait. Faisant le plus doucement possible, elle fit quelques pas de plus vers la porte qu’elle atteignit sans plus d’encombres. Tendant l’oreille quelques secondes, elle soupira et sa respiration lui sembla étrangement bruyante, comme si les lieux eux-mêmes n’étaient plus habitués à être habités. Pourtant la maison paraissait entretenue, ou du moins la chambre. Prenant sur elle, elle posa la main sur la poignée qu’elle tourna. La porte s’ouvrit presque d’elle-même et la jeune femme pu pénétrer dans l’autre pièce. Une sorte de salon à l’ancienne puisqu’il était organisé autours d’une grande cheminée qui réchauffait l’âtre en diffusant une douce chaleur. La jeune femme demeura un instant le regard rivé sur les flammes. Tant de questions se posaient mais elle avait l’étrange intuition qu’elle n’aurait pas de réponse maintenant. Le regard un peu perdu dans le vague, elle n’entendit pas les bruits de pas précipités qui s’approchaient de la maison et ce ne fut que lorsque l’on frappa brusquement à la porte qu’elle sursauta, reprenant pieds à la réalité. Une forme se redressa soudain du divan pour aller vers la porte mais s’arrêta subitement en voyant la jeune femme. C’était une autre femme qui se trouvait là devant elle, une femme plus âgée au regard vif. Sans un mot pourtant, elle alla à la porte et ouvrit.
- Que se passe-t-il ?
- Une sentinelle les a repéré, ils seront bientôt là, il faut y aller.
- Tu as prévenu les autres ?
- Oui, c’est en cours.
- Bien, continue, on se retrouve au point de rendez vous.
- Bonne chance.
- A toi aussi. »
La jeune femme un peu perdue ne comprit pas grand chose à l’échange qui venait d’avoir lieu. En fait elle ne comprenait rien du tout et tout cela ne pouvait que lui paraître bizarre. La femme plus âgée se tourna vers elle et lui fit signe de la suivre, avant de prendre la parole d’un ton serein.
- Je m’appelle Syl’ïn, je suis une des responsables de ce village, enfin, des personnes qui sont là. J’ai le regret de t’annoncer que je ne pourrai pas répondre à la plupart de tes questions, simplement car nous nous posons les mêmes.
Pendant qu’elle parlait, elle rassemblait quelques vêtements et vivres à ce qu’il paraissait puisqu’elle enfouit un morceau de pain dans un baluchon et tendit le tout à la jeune femme qui toujours perdue, le prit sans broncher. La femme répondant au nom de Syl’ïn répéta la même opération pour elle tout en continuant.
- Tu dois te demander au moins ce qu’il se passe et cela je peux à peu près le dire. Déjà, ne fais confiance qu’aux femmes ou aux quelques hommes qui ont une marque. Si jamais tu croises un homme qui ne l’a pas, fuit sans te poser de questions. Nous n’avons jamais revu ceux et celles qu’ils ont attrapé et…
- Mais de qui parlez vous ?!
Un peu agressive certes comme manière de poser une question mais au fur et à mesure que Syl’ïn parlait, la nouvelle venue s’était rendue compte qu’elle ne comprenait pas un traître mot, tout était trop vague, oui, bien trop flou, elle ne comprenait pas. La responsable du « village » ne sembla pas s’offusquer de cette manière de s’adresser à elle et ne tourna même pas la tête. Cependant, elle reprit une fois encore.
- Nous ne savons rien d’eux hormis le fait que cet ordre n’est constitué que d’hommes. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, je ne sais pas comment j’ai atterrit là ni même pourquoi mais ce que je sais c’est qu’ils nous chassent, oui, comme de vulgaires animaux, ils jouent avec nous et une fois qu’il nous ont pris au piège…
Elle ne termina pas sa phrase, le sac était prêt et saisissant le frêle poignet de la nouvelle, elle l’entraîna à sa suite, sortant de la maison. La jeune femme suivit sans broncher. Tout cela était beaucoup trop irréel, elle devait rêver oui cela devait être ça, tout cela n’avait pas lieu d’être. Sortant, le vent lui glaça les os, à moins que ce soit en fait l’atmosphère qui régnait dans ce village qui lui donnait la chair de poule. Devant elle, des dizaines de personnes silencieuses et marchant toutes d’un pas rapide, se pressaient vers l’autre extrémité du village. Apparemment elles étaient dans les dernières. Que fuyaient ils vraiment ? Elle voulait le voir, oui, elle n’y croyait pas. Pourtant, à peine eut elle tourner la tête vers la partie maintenant déserte qu’elle entendit une déflagration suivie de près par une explosion. La jeune femme écarquilla les yeux de surprise alors qu’à travers le brasier des silhouettes noires apparaissaient. A cheval pour certains, à pieds pour d’autres, ils étaient une dizaine et avançaient vers les villageois presque tranquillement. Elle sentit soudain qu’on la tirait en arrière. C’était Syl’ïn qui l’entraînait. Leur arrivée avait crée un véritable mouvement de panique. Tous s’étaient mis à courir vers le champ qu’il semblait y avoir un peu plus loin.
- Si jamais on devait se séparer, va dans les champs ou les endroits sombres, tu y trouveras sans doute de l’aide.
- Mais…
- Comment t’apelles tu ?
- Elshann.
- Dépêches toi Elshann.