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Chapitre premier
10/10/2007 23:29
Lentement, une jeune femme ouvrit les yeux. Les refermant un instant à cause du sommeil persistant, elle mit un certain temps avant de voir plus clairement l’endroit dans lequel elle se trouvait. Elle ne le reconnaissait pas. Se redressant en sursaut, elle jeta un coup d’œil circulaire à la pièce. Petite et sombre, quelques ombres étaient projetées sur le mur par l’éclat argenté de la lune. La pièce était des plus simples, une sorte de grande armoire un peu comme celles des grands mères, un petit bureau, un tapis sur le sol juste devant le lit, lit sur lequel elle était assise. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir vu un tel endroit et encore moins d’y avoir passé la nuit. Où était elle donc tombée encore ? Se levant doucement, elle se crispa soudain entendant le parquet craquer. Rien de tel pour éveiller toute une maison. Tout lui paraissait étrangement calme. Trop calme en fait. Faisant le plus doucement possible, elle fit quelques pas de plus vers la porte qu’elle atteignit sans plus d’encombres. Tendant l’oreille quelques secondes, elle soupira et sa respiration lui sembla étrangement bruyante, comme si les lieux eux-mêmes n’étaient plus habitués à être habités. Pourtant la maison paraissait entretenue, ou du moins la chambre. Prenant sur elle, elle posa la main sur la poignée qu’elle tourna. La porte s’ouvrit presque d’elle-même et la jeune femme pu pénétrer dans l’autre pièce. Une sorte de salon à l’ancienne puisqu’il était organisé autours d’une grande cheminée qui réchauffait l’âtre en diffusant une douce chaleur. La jeune femme demeura un instant le regard rivé sur les flammes. Tant de questions se posaient mais elle avait l’étrange intuition qu’elle n’aurait pas de réponse maintenant. Le regard un peu perdu dans le vague, elle n’entendit pas les bruits de pas précipités qui s’approchaient de la maison et ce ne fut que lorsque l’on frappa brusquement à la porte qu’elle sursauta, reprenant pieds à la réalité. Une forme se redressa soudain du divan pour aller vers la porte mais s’arrêta subitement en voyant la jeune femme. C’était une autre femme qui se trouvait là devant elle, une femme plus âgée au regard vif. Sans un mot pourtant, elle alla à la porte et ouvrit.
- Que se passe-t-il ?
- Une sentinelle les a repéré, ils seront bientôt là, il faut y aller.
- Tu as prévenu les autres ?
- Oui, c’est en cours.
- Bien, continue, on se retrouve au point de rendez vous.
- Bonne chance.
- A toi aussi. »
La jeune femme un peu perdue ne comprit pas grand chose à l’échange qui venait d’avoir lieu. En fait elle ne comprenait rien du tout et tout cela ne pouvait que lui paraître bizarre. La femme plus âgée se tourna vers elle et lui fit signe de la suivre, avant de prendre la parole d’un ton serein.
- Je m’appelle Syl’ïn, je suis une des responsables de ce village, enfin, des personnes qui sont là. J’ai le regret de t’annoncer que je ne pourrai pas répondre à la plupart de tes questions, simplement car nous nous posons les mêmes.
Pendant qu’elle parlait, elle rassemblait quelques vêtements et vivres à ce qu’il paraissait puisqu’elle enfouit un morceau de pain dans un baluchon et tendit le tout à la jeune femme qui toujours perdue, le prit sans broncher. La femme répondant au nom de Syl’ïn répéta la même opération pour elle tout en continuant.
- Tu dois te demander au moins ce qu’il se passe et cela je peux à peu près le dire. Déjà, ne fais confiance qu’aux femmes ou aux quelques hommes qui ont une marque. Si jamais tu croises un homme qui ne l’a pas, fuit sans te poser de questions. Nous n’avons jamais revu ceux et celles qu’ils ont attrapé et…
- Mais de qui parlez vous ?!
Un peu agressive certes comme manière de poser une question mais au fur et à mesure que Syl’ïn parlait, la nouvelle venue s’était rendue compte qu’elle ne comprenait pas un traître mot, tout était trop vague, oui, bien trop flou, elle ne comprenait pas. La responsable du « village » ne sembla pas s’offusquer de cette manière de s’adresser à elle et ne tourna même pas la tête. Cependant, elle reprit une fois encore.
- Nous ne savons rien d’eux hormis le fait que cet ordre n’est constitué que d’hommes. Depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, je ne sais pas comment j’ai atterrit là ni même pourquoi mais ce que je sais c’est qu’ils nous chassent, oui, comme de vulgaires animaux, ils jouent avec nous et une fois qu’il nous ont pris au piège…
Elle ne termina pas sa phrase, le sac était prêt et saisissant le frêle poignet de la nouvelle, elle l’entraîna à sa suite, sortant de la maison. La jeune femme suivit sans broncher. Tout cela était beaucoup trop irréel, elle devait rêver oui cela devait être ça, tout cela n’avait pas lieu d’être. Sortant, le vent lui glaça les os, à moins que ce soit en fait l’atmosphère qui régnait dans ce village qui lui donnait la chair de poule. Devant elle, des dizaines de personnes silencieuses et marchant toutes d’un pas rapide, se pressaient vers l’autre extrémité du village. Apparemment elles étaient dans les dernières. Que fuyaient ils vraiment ? Elle voulait le voir, oui, elle n’y croyait pas. Pourtant, à peine eut elle tourner la tête vers la partie maintenant déserte qu’elle entendit une déflagration suivie de près par une explosion. La jeune femme écarquilla les yeux de surprise alors qu’à travers le brasier des silhouettes noires apparaissaient. A cheval pour certains, à pieds pour d’autres, ils étaient une dizaine et avançaient vers les villageois presque tranquillement. Elle sentit soudain qu’on la tirait en arrière. C’était Syl’ïn qui l’entraînait. Leur arrivée avait crée un véritable mouvement de panique. Tous s’étaient mis à courir vers le champ qu’il semblait y avoir un peu plus loin.
- Si jamais on devait se séparer, va dans les champs ou les endroits sombres, tu y trouveras sans doute de l’aide.
- Mais…
- Comment t’apelles tu ?
- Elshann.
- Dépêches toi Elshann.
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Chapitre second
12/10/2007 23:11
Elle tourna la tête pour tenter d’apercevoir les hommes mais n’en vit que quelques uns. L’un d’entre eux leva le bras en direction d’un petit groupe et une autre déflagration retentit suivit d’un cri déchirant. Il avait touché quelqu’un… Elshann s’arrêta, lâchant la main de Syl’ïn qui se tourna vers elle lui criant de venir mais la jeune femme n’entendait pas sa voix à travers le tumulte. Le regard rivé sur la scène qui se déroulait un peu plus loin, elle vit la fille touchée tenter de se redresser. L’homme paraissait sourire. Il laissa le temps à sa victime pour essayer de fuir avant de tirer une autre fois, dans le ventre cette fois ci. Elle s’écroula de nouveau, gémissant de douleur. Elshann quant à elle n’avait pas bougé et ce ne fut que lorsqu’elle entendit un troisième coup partir et les cris se taire qu’elle réagit enfin et se remit à courir avec frénésie. Elle ne l’avait pas vu, mais n’était pas la seule à avoir été comme hypnotisée par ce qu’il venait de se passer. Quelques autres personnes s’étaient elles aussi arrêtées. Cependant Elshann était la seule à avoir regardé aussi longtemps, jusqu’à la fin en fait. Cependant les autres étaient maintenant plus loin et pour se protéger il lui fallait un groupe, ne pas s’éloigner d’eux. Tentant de faire abstraction du souffle qu’il lui manquait déjà, elle continua de courir, rattrapant le groupe dans les champs qui prenaient inexorablement feu derrière eux, preuve qu’ils étaient toujours suivis. Elshann se décala légèrement sur le côté en entendant des bruits de sabots et ce fut la personne devant elle qui s’écroula. Elle vit alors qu'ils s'approchaient d'une masse sombre dans laquelle les premiers pénétrèrent sans ralentir. Malgré la lune qui éclairait quelque peu leur chemin, elle eut du mal à reconnaître une forêt. Oui, des bois. Tournant la tête, elle ne remarqua qu’à ce moment là qu’ils la longeaient déjà. Essoufflée, elle fut forcée de ralentir un peu la cadence mais consciente qu’ainsi elle serait à découvert, elle avisa d’un minuscule chemin et s’y engouffra, trottina encore quelques instants avant de s’arrêter, à bout. S’adossant à un arbre, elle prit le temps de reprendre un peu sa respiration. Ce ne fut que lorsqu’elle cru entendre un bruissement qu’elle reprit la route, ne sachant pas où elle allait mais y allant d’un bon pas, elle ne sentit qu’à cet instant à quel point elle était fatiguée.
Où était elle tombée. Tout lui paraissait tellement irréel… Trop sans doute et pourtant elle ne tenait pas à voir ces hommes, oui, elle voulait vivre encore. Elle ne savait pas pourquoi en fait elle tenait à la vie. C’était vrai. De là où elle venait, elle n’avait pas grand-chose. Si, une famille mais elle avait toujours eu l’impression d’être un poids pour eux vu son sale caractère. Qu’avait elle d’autre. Des amis ? Si peu. Ou plutôt, elle connaissait pas mal de monde mais tout cela n’était rien. Ils devaient déjà l’avoir oubliée. Même ceux qui avaient été là lors de moments difficiles avaient décidés peu avant qu’elle ne se retrouve ici, de la laisser de côté pour ne se consacrer qu’à eux. Pour quelles raisons ? Elle n’en savait rien mais pensait avec amertume que c’était du fait de son caractère. Elle avait souvent été trop honnête avec eux. En plus elle manquait de tact et disait bien souvent les choses telles qu’elle les pensait, ce qui n’était pas forcément de la meilleure façon. Etrangement ces pensées lui serrèrent le cœur mais pas tant que ce qu’elle aurait pensé avant. Elle s’était fait une raison dirons nous. L’amitié… Sa définition n’était pas la même pour elle et les autres. Tant pis. Ce n’était pas tant pour cela qu’elle renoncerait à sa vie. Peut-être estimait elle simplement la vie qui lui avait tant donné, peut-être ne reniait elle simplement pas les émotions qu’elle ressentait, oui, elle aimait la vie et comptait bien la savourer encore quelques temps. Elle ne voulait pas « mourir » maintenant et comptait bien quitter cet horrible endroit. Cet endroit d’ailleurs c’était où ?
Un craquement la sortit soudain de ses pensées. Se retournant, elle vit plus loin une silhouette se diriger vers elle. On l’avait suivie ? Non. Elle se remit à courir sans demander son reste, les bruits de pas de l’autre se rapprochant inexorablement. Se prenant les pieds dans elle ne savait quoi, elle tomba lourdement à terre. Se redressant pour continuer, elle se rendit en fait compte que ses chevilles étaient nouées ensemble et qu’une chose non identifiée la tirait lentement vers l’homme. Tentant de s’agripper à ce qu’elle pouvait, elle ne trouva qu’un morceau de bois, qui partit avec elle car n’était retenu par rien. Une simple branche. La panique commençait à la gagner au fur et à mesure que l’homme la tirait à lui. Finalement, une voix s’éleva dans le sous bois. Elle ne comprit pas ce qu’il avait dit mais su que c’était « lui » qui avait parlé, celui qui l’avait attrapé. Elle attendit un court instant avant de se retourner brusquement sur le sol, envoyant la branche droit dans la tempe de l’homme qui relâcha sa prise avant de tomber en arrière. Le fils avec lequel ses pieds étaient retenus se desserra. Se redressant, elle repartit en courant. Elle ne su pas combien de temps elle avait tenu l’allure mais jamais elle n’aurait cru tenir aussi longtemps, ni courir aussi vite en fait. Après un temps indéfini pourtant elle s’arrêta enfin, toussant tout en tentant de reprendre son souffle. Sans s’en rendre compte, elle était parvenue à côté d’un autre petit chemin. Sortant prudemment des bois, elle regarda de chaque côté du sentier. Personne. Cependant elle pouvait distinguer clairement une maisonnette au bout, maisonnette éclairée. Tout ce qu’elle demandait c’était un peu de repos, rien de plus. Que cela s’arrête… Surtout qu’elle n’avait rien fait de mal, si du moins l’on enlevait le fait qu’elle ait tourné en ridicule plus d’un homme, qu’elle en ait frappé un autre étant jeune, de manière plutôt malsaine ainsi que quelques détails du même genre… Mais ce n’était que des jeux d’enfants, elle avait cessé cela il y avait quelques années. Cela ne pouvait pas être l’enfer quand même ?! De plus… Elle n’était pas croyante. Rien de tout cela ne méritait la mort ou de subir quoi que ce soit de ce type. Elle n’était certes pas un exemple de sainteté mais tout de même…
Continuant de marcher inexorablement vers la maisonnette mais demeurant perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas les bruits de pas qui de nouveau étaient présents. Plus proches qu’il n’y paraissait d’ailleurs. L’homme sortit soudain des bois devant elle. S’arrêtant net, son cœur s’emballa de nouveau. Comment avait elle pu être aussi stupide pour ne pas le remarquer ?!
L’homme sortit une arme à feu qu’il pointa sur elle. Non ?! Il allait la tuer ? Il fallait qu’elle réagisse…
*Allez, que je bouge, que je fasse quelque chose ?! *
Supplia-t-elle mentalement alors que son corps, comme paralysé refusait de faire ne serait ce qu’un léger mouvement. Il se mit même à trembler après qu’elle eut croisé le regard de son futur assassin. Ses yeux ne semblaient rien refléter d’humain. Du moins, cet humain lui faisait peur. Cette expression de satisfaction à la limite de la cruauté et encore plus allié au sourire qu’il avait en cet instant. Elle n’aurait à coup sur même pas été étonnée de voir deux canines pousser subitement… Cependant cela ne se produisit pas et au contraire, une déflagration retentit. Elshann ressentit une vive douleur au niveau du bras droit. Baissant la tête, elle vit quelques gouttes carmines couler le long de la blessure heureusement peu profonde. Avait il fait exprès de la rater. A en juger par son expression… Oui. La jeune femme recula d’un pas alors qu’il baissait légèrement le canon pour viser les jambes. Il voulait jouer avec elle… la tuer à petit feu ? Mais bon sang c’était quoi cet endroit. L’homme allait tirer mais une femme apparue au bout du chemin et interpella l’homme en un ordre unique, celui de cesser ce qu’il était en train de faire. L’homme tourna la tête vers la femme bien plus âgée que ne le laissait présager sa voix. Il la mit en joug et elle se contenta de hausser les sourcils d’un air interrogatif. Elle lui signifia la seconde d’après qu’elle le craignait aucunement.
Elshann en attendant suppliait silencieusement sa volonté d’agir enfin, de faire quelque chose. Sans savoir comment ni pourquoi, quelque chose de froid, glacé même, sembla toucher la paume de sa main. Refermant le poing dessus, elle couru subitement vers l’homme dos à elle qui en entendant les bruits de pas précipités se tourna vers elle. Elle était déjà à son niveau. Se jetant en avant, elle tomba avec lui, le plaquant par terre. Se redressant précipitamment, elle vit du sang tâcher les vêtements de l’inconnu au niveau du torse et en particulier du cœur. Une vague de panique la prit. Elle… Elle venait de tuer quelqu’un.
Certes ça avait été pour se défendre mais dans ce cas pourquoi avait elle cette impression ? Impression d’avoir fait une énorme bêtise et que rien de cela n’allait arranger la situation. Sentant toujours une chose froide dans sa main, elle baissa les yeux dessus mais ne vit rien… La sensation disparue soudainement elle aussi si bien que la jeune femme ne su vraiment comment prendre cela. Tremblant de nouveau, des larmes embuèrent ses yeux alors que la dame âgée qui avait pris sa défense était déjà auprès de l’homme et lui caressait doucement les cheveux le temps qu’il rende son dernier souffle, ce qui ne tarda pas. Il était mort sans un mot, sans une parole mais avait eu un sourire désolé envers Elshann qui se sentit encore plus coupable. La vieille femme se redressa enfin et contempla la frêle et impulsive jeune femme durant quelques secondes avec cet air grave qu’ont toutes les personnes d’un certain âge.
Tout s’évanouit. La jeune femme demeura seule un instant comme plongée dans le noir. Après quelques temps, elle rouvrit les yeux pour découvrir les murs qu’elle connaissait si bien.
« Yume… »
Ce n’était qu’un murmure mais il la rassura comme jamais. Elle laissa quelques silencieuses larmes couler sans raison apparente. Encore l’effet de ce rêve. Ca lui arrivait de temps en temps… Plusieurs choses semblaient cependant être différentes dans ce rêve. Déjà la présence qu’elle avait sentit tout le long. Le réalisme également, d’habitude, elle savait que c’était un rêve et se laissait simplement entraîner. Sans pouvoir l’expliquer, elle trouvait plein de petites choses, des détails mais qui à ses yeux avaient leur importance, qui tendaient à rendre ce rêve bien trop réaliste à son goût. Notamment les sentiments et les impressions qu’elle avait toujours… D’un revers de manche, elle essuya ses larmes. Elle ignorait cependant qu’elle n’était pas la seule à avoir rêvé.
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Chapitre troisième
14/10/2007 00:38
Bien loin de l’endroit où la jeune femme se réveillait, un homme d’âge mur pénétrait dans la chambre d’une vaste demeure. La pièce était plongée dans l’obscurité et il régnait une ambiance bien peu engageante. Ceci ne sembla pas troubler le moins du monde l’homme qui croisa simplement les bras après avoir fait quelques pas dans la pièce. De toute évidence, il attendait quelque chose. Dans la pénombre l’on ne distinguait pas grand chose mais en faisant un peu plus attention, l’on parvenait à discerner partiellement une silhouette. La voix d’un jeune homme s’éleva doucement.
- Comme vous le présagiez, une autre potentielle est apparue.
- Où ?
- Je ne le sais pas.
L’homme qui posait la question ne sembla pas apprécier cette réponse. Ses sourcils se froncèrent et son expression déjà dure au naturel aurait en cet instant suffit à glacer n’importe quelle personne qui aurait croisé son regard. Il fit quelques pas et saisi violemment le jeune homme assis par terre par le col de sa chemise, le soulevant à moitié en le ramenant à lui. Le jeune homme bien loin de se laisser impressionner par cette recrudescence de violence, reprit la parole d’un ton glacé et autoritaire.
- Vous n’avez nullement le droit de me traiter de la sorte, aussi, si vous voulez que je continue il va vous falloir adopter un autre ton avec moi. D’autant plus que votre chef ne serait sans doute pas extrêmement heureux d’apprendre que par votre faute je refuse de poursuivre…
La bouche de l’homme se tordit en un rictus et la lueur de ses yeux ne pouvaient pas plus exprimer la haine qu’il portait à cet ‘enfant’. Cependant, il avait raison, et en fait peut-être était ce d’abord pour cela qu’il ne l’aimait pas. Parce qu’il avait bien trop souvent raison à son goût. Quoi qu’il en soit, il repoussa brutalement le jeune homme en arrière et fit demi-tour, rouvrant la porte de la chambre afin d’en sortir et sans doute aussi pour aller faire son rapport. Il s’arrêta cependant pour se tourner de nouveau vers l’être qu’il méprisait tant et avec un sourire malsain, il prit la parole.
- Continue donc à faire le malin mais arrivera un jour où tu ne nous seras plus utile… Et si tu continues à nous donner des informations aussi partielles, cela risque d’arriver plus rapidement que ce que tu peux croire. A ce moment tu ne pourras plus que prier pour que je t’achève rapidement.
Et sur ces paroles des plus réconfortantes, il sortit de la pièce, laissant le jeune homme seul qui soudain ne paraissait plus faire le malin. Celui-ci patienta quelques secondes, écoutant les bruits de pas s’éloigner. Il se permit de sourire à son tour.
* Si tu survis jusque là…*
Se plu-t-il à penser en revoyant les images au sujet de cet être abjecte qui se croyait au-dessus de tout. Enfin c’était ainsi que le jeune homme le voyait et peut-être sa vision était elle encore trop idyllique. Mais peu importait. Quelque chose dans les paroles de l’homme avait soulevé une inquiétude qui sommeillait depuis le début chez le garçon. Quant tout serait fini, qu’adviendrait il de lui ? Cela, il était incapable de le dire… Peut-être était-ce une bonne chose après tout mais l’angoisse était plus forte après chaque vision. Il était un élément clé et le savait mais c’était là son seul savoir à son sujet. Malheureusement. De même, ses visions et ses « rêves » ne donnaient que des informations partielles, et il n’allait tout de même pas inventer le reste comme cela. Les gens croyaient qu’il lui suffisait de fermer les yeux pour avoir les réponses qu’il souhaitait. Or, c’était loin d’être le cas. Il fallait d’abord qu’il soit comme dans un état second. Ensuite, il devait comme se connecter aux esprits des « rêveurs ». Se connecter à certains, les uns après les autres, regarder quels étaient la nature réelle de leurs songes, c’était là son vrai don en fait. Cependant trier ainsi les hommes de la planète ne s’avérait pas une si mince affaire. Il fallait du temps et beaucoup d’énergie. Sa réserve n’était pas inépuisable, loin de là. Cela ne faisait que deux mois qu’il avait commencé ce « labeur » et déjà les signes de profondes fatigues étaient visibles. Pourtant, il n’en avait repéré que trois… Enfin quatre avec la nouvelle mais il restait à déterminer qui laquelle elle était ainsi que le lieu où elle se trouvait. Tout ceci n’était pas une mince affaire mais au moins il saurait retrouver son esprit où qu’elle soit. Elle ne pouvait se soustraire à sa vision, ce qui était une garantie en soi, sans parler du fait que la simple présence du jeune homme dans les rêves de la personne suffisait à révéler son identité première. Il était ainsi certain que les personnes qui « réagissaient positivement » à sa présence avaient un lien direct avec ce qu’il allait advenir. Seul le rôle était à déterminer avec précision. L’endroit en général se déclarait de lui-même lors du second ou troisième rêve. Il était même advenu une fois que la personne se présente d’elle-même sans savoir chez qui elle « frappait ». Le jeune homme avait une théorie pour expliciter ce phénomène mais elle n’intéressait que lui et était en fait bien trop compliquée.
S’allongeant sur le sol, il songea à toutes les informations du rêve de la potentielle. Certains éléments étaient plus étranges que chez d’autres et le tout lui laissait une étrange impression. Il devrait la tenir à l’œil mais ne leur dirait rien de plus quant à ses appréhensions… Elles n’étaient pas encore fondées et ils prendraient à coup sur des mesures d’une stupidité sans failles. Autre fait étrange, en fait sans doute le plus étrange, il avait lui-même ressentit la présence d’une tierce personne dans le rêve… Il y avait donc deux hypothèses. Soit cette présence est présente depuis longtemps dans les rêves de la jeune femme qui s’était créé comme un ami imaginaire au sein même de son imaginaire. Cela arrivait de temps en temps. Soit, une autre personne avait pénétrer ce rêve tout comme lui l’avait fait. Si tel était le cas, l’avait elle fait consciemment ? Tout cela restait à déterminer et à surveiller. Il attendait avec impatience la prochaine nuit. Il présentait qu’il allait adorer cette plongée. Peut-être même aurait il le loisir de mettre en action sa théorie quant à l’émission de l’énergie psychique par le rêve et encore plus par la personne qui rêvait. Ah, voilà maintenant qu’il sentait son cœur s’emballer à la perspective de son premier combat. Lui qui s’était entraîné à se maîtriser était tel un gamin devant un nouveau jouet. Se redressant d’un coup en position assise, il saisit la télécommande qui gisait devant lui et appuya sur un bouton. Lentement, les rideaux se mirent en mouvement et s’ouvrirent, laissant les pâles rayons de ce soleil hivernal réchauffer malgré tout l’atmosphère. Un léger sourire encré sur ses lèvres et un air un peu rêveur, le jeune homme contempla la vue qui s’offrait à lui. L’une de ses seules distractions mais c’était de loin sa préférée. Il se sentait bien ici à contempler tout cela. Une certaine plénitude semblait apaiser son âme tout autant que son corps.
Les arbres dénués de feuilles demeuraient fièrement dressés malgré le froid et l’herbe recouverte d’une fine couche de glace scintillait de milles reflets bleutés à faire pâlir ce ciel pourtant d’un bleu azur que ne semblaient vouloir parcourir aucun nuage, sans doute de peur de gâcher ce tableau. La nature semblait comme à l’arrêt et cette pensée semblait étrangement satisfaire le jeune homme. Pour quelles raisons ? Peut-être parce qu’il ne voulait plus que le monde continue dans sa descente… Ceci expliquerait les raisons que le poussaient à obéir à ces hommes. Il ne connaissait même pas leur motivation. Mais leur but était le même, de ce qu’il avait su déduire en tout cas. Mais peut-être aimait il ce tableau car il avait simplement l’impression de vivre… Lui qui devait rester cloîtrer et regarder les autres bouger était comme apaiser de voir que certaines choses étaient immuables… Le Temps.
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